Diagnostiques psychologiques et hypnose

Quand quelqu’un pousse la porte de mon cabinet, il arrive souvent avec un diagnostic : « Je suis TDAH », « On m’a diagnostiqué bipolaire », ou encore « Je suis borderline ». Ma première question est toujours la même : « Et vous allez mieux ? » La réponse, dans 99 % des cas, est un « non » teinté de lassitude. Alors, à quoi servent ces diagnostics psychologiques ? Libèrent-ils vraiment les gens ou les enferment-ils dans des cases dont ils peinent à sortir ?

En tant que praticien en hypnose, je me méfie des diagnostics psychologiques. Non pas qu’ils soient inutiles – ils peuvent guider un traitement ou rassurer en nommant une souffrance – mais trop souvent, ils deviennent des prisons. On vous pose un diagnostic, et hop, voici une pilule pour chaque symptôme. Étrange coïncidence : il n’existe pas de « trouble » sans solution médicamenteuse associée. Cela interroge, non ? Les industries pharmaceutiques auraient-elles un rôle dans cette frénésie diagnostique ? Sans tomber dans la théorie du complot, notons que le marché mondial des psychotropes pèse des milliards chaque année.

Des diagnostics qui façonnent la réalité

Un être humain traverse des tempêtes intérieures tout au long de sa vie : des moments d’euphorie, des phases de doute, des folies passagères. Mais si ces vagues durent trop longtemps ou dérangent l’ordre établi, on vous colle un diagnostic. Léonard de Vinci, avec son esprit bouillonnant et son incapacité à rentrer dans le moule, aurait probablement été diagnostiqué TDAH ou bipolaire aujourd’hui. Idem pour Edison, dont l’histoire illustre parfaitement le pouvoir des croyances. Sa mère lui a fait croire qu’il avait été renvoyé de l’école pour être « trop intelligent », alors qu’en réalité, un document retrouvé plus tard révélait qu’il était jugé « trop stupide ». Cette croyance l’a porté, et il est devenu l’un des plus grands inventeurs de son temps.

Ce mécanisme n’est pas anecdotique. Des études en psychologie, notamment sur l’effet Pygmalion, montrent que les attentes des autres façonnent nos comportements. Une expérience célèbre, menée par Robert Rosenthal et Lenore Jacobson en 1968, a testé cette idée dans des écoles. Ils ont fait croire à des enseignants que certains élèves, choisis au hasard, étaient « doués ». À la fin de l’année, ces élèves avaient de meilleurs résultats que les autres, simplement parce que les profs les avaient traités comme tels : plus d’encouragements, plus d’attention. À l’inverse, des élèves qualifiés de « faibles » par leurs enseignants, même s’ils ne l’étaient pas, voyaient leurs performances décliner. Cette étude, reproduite dans divers contextes, montre que les diagnostics – positifs ou négatifs – agissent comme des prophéties autoréalisatrices.

Les diagnostics : un frein à l’autonomie ?

En psychiatrie, des diagnostics comme TDAH, trouble bipolaire ou borderline sont basés sur des critères précis, comme ceux du DSM-5. Ils permettent de mieux comprendre certains comportements : par exemple, l’impulsivité dans le TDAH ou la labilité émotionnelle dans le trouble borderline. Mais une fois le diagnostic posé, que se passe-t-il ? Trop souvent, il devient une identité. « Je suis bipolaire » remplace « Je traverse des hauts et des bas ». Une étude publiée dans Translational Psychiatry (2021) a montré que TDAH, trouble bipolaire et borderline partagent une signature neurobiologique commune : une dysrégulation des circuits cérébraux liés aux émotions. Pourtant, chaque personne est unique, et réduire quelqu’un à un diagnostic peut limiter son potentiel d’évolution.

Pire, ces labels peuvent parfois entraver la guérison. Une revue de 2010 dans The Lancet suggère que la stigmatisation liée aux troubles psychiatriques peut décourager les patients de chercher de l’aide ou de s’autonomiser. Les diagnostics, en renforçant un sentiment de « différence », risquent de victimiser et de décourager l’autonomie. En hypnose, on part du principe que tout symptôme est une tentative de solution. Un comportement, même « anormal », a une fonction : protéger, exprimer, ou compenser. L’objectif n’est pas de le supprimer avec une pilule, mais de comprendre ce qu’il dit et de transformer les croyances qui le soutiennent.

Changer les croyances, changer les comportements

En séance, je ne m’attarde pas sur les dossiers médicaux ou les diagnostics. Quand un client arrive avec une liste de « je suis ceci, je suis cela », je l’invite doucement à laisser ces étiquettes à la porte. Pourquoi ? Parce que la guérison commence quand on cesse de se définir par ses limites. L’hypnose consciente, que je pratique, repose sur l’idée que nos comportements découlent de nos croyances. Si vous croyez que vous êtes « cassé » ou « malade », vous agirez en conséquence. Si vous croyez en votre capacité à évoluer, vous ouvrez la porte au changement.

Prenons un exemple concret : une personne diagnostiquée borderline, avec des émotions intenses et des relations instables, peut être vue comme « dysfonctionnelle ». Mais en hypnose, on pourrait explorer ce que ces émotions cherchent à exprimer – peut-être un besoin de connexion ou une peur de l’abandon. Une étude sur la thérapie comportementale dialectique (TCD), souvent utilisée pour le trouble borderline, montre que travailler sur la régulation émotionnelle améliore significativement la qualité de vie. Cela prouve que les comportements, même les plus extrêmes, ne sont pas figés.

La beauté de la diversité humaine

Notre société a tendance à pathologiser tout ce qui sort de la norme. Les génies d’hier – Van Gogh, Tesla, ou même Einstein – auraient probablement reçu un diagnostic aujourd’hui. Les cultures indigènes, avec leurs rituels et leurs visions, seraient qualifiées de « délirantes ». Les religieux fervents ? « Fanatiques ». Pourtant, c’est cette diversité qui fait la richesse de l’humanité. Chaque individu a une place, une contribution unique à offrir. L’objectif n’est pas de formater tout le monde pour qu’il rentre dans une boîte, mais de permettre à chacun de trouver son autonomie et sa raison d’être.

En hypnose, je vois chaque personne comme une énigme unique. Pas de cases, pas de dossiers. J’écoute, j’observe, et j’accompagne. Le but ? Aider à transformer les croyances limitantes en tremplins vers une vie plus libre. Les diagnostics psychologiques peuvent être utiles pour comprendre, mais ils ne doivent jamais devenir des chaînes. Alors, la prochaine fois qu’on vous pose un diagnostic, posez-vous la question : est-ce que ça me libère, ou est-ce que ça m’enferme ?